Les organisations syndicales de l’Ofpra ont appelé jeudi leurs agents à une journée de grève pour dénoncer la « politique du chiffre » au sein de cet organe chargé d’attribuer le statut de réfugié, une première depuis cinq ans.
A quelques jours de l’examen parlementaire du projet de loi sur l’immigration (6 novembre) porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, auquel l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est rattaché, les agents étaient appelés à débrayer et une centaine d’entre eux s’étaient rassemblés vers 8H00 devant l’agence à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) pour dénoncer leurs conditions de travail, a constaté un journaliste de l’AFP.
« L’obsession des gouvernements successifs pour le raccourcissement des délais d’instruction des demandes d’asile », érigé parmi les priorités de la politique migratoire dans le projet de réforme, « met sous pression les agents » de l’Ofpra, ont déploré les syndicats majoritaires CGT Ofpra et ASYL (Action syndicale Libre/Ofpra).
Les quelque 500 officiers de protection, qui font passer les entretiens aux demandeurs d’asile, « sont ainsi soumis à un rythme infernal, alors même qu’ils doivent se conformer à des procédures de plus en plus complexes et s’improviser enquêteurs afin de détecter des personnes susceptibles de représenter une menace pour l’ordre public », autre priorité du gouvernement, ont encore dénoncé les syndicats.
Principale revendication: une baisse de 25% de l’objectif assigné aux agents, qui s’élève actuellement à 360 décisions par an, explique à l’AFP Henry de Bonnaventure, un responsable d’ASYL, dénonçant une « politique du chiffre ».
« Avec cette double injonction du chiffre et de la prise en compte des troubles à l’ordre public, c’est difficile de prendre en compte les besoins de protection », abonde Anouk Lerais, de la CGT Ofpra.
« Les préoccupations que traduit ce mouvement social (…) sont légitimes, mais elles n’appellent pas nécessairement les réponses que réclament les organisations syndicales », a répondu auprès de l’AFP le directeur général de l’Ofpra, Julien Boucher.
Son office a rendu l’an dernier 134.500 décisions, dans un délai moyen de quatre mois: le plus bas depuis quinze ans.
« Plus de 200 emplois supplémentaires ont été créés à l’Office depuis 2019 », a insisté le patron de l’Ofpra, qui assure vouloir répondre par la « discussion » au « signal fort » de cette grève.
Les syndicats doivent être reçus dans l’après-midi, a confirmé Anouk Lerais. A moins de deux semaines de l’examen du projet de loi immigration, les grévistes veulent également dénoncer certaines dispositions voulues par le gouvernement, dont la création de pôles « France asile » qui réuniraient les services de l’Ofpra et des préfectures dans les régions.
« Cela risque de mettre à mal l’indépendance de l’institution en la plaçant sous la tutelle des préfets », s’inquiète-t-elle.
La dernière grève avait eu lieu en février 2018, le jour de la présentation en Conseil des ministres de la loi asile-immigration de Gérard Collomb.